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Une couverture (presque) facile

By 7 février 2025février 20th, 2025Petite souris

Lors de la création d’un livre, il faut toujours réfléchir très vite à sa couverture.

C’est en effet un élément dont les représentant.e.s des maisons d’édition ont besoin pour présenter l’ouvrage aux libraires et préparer la communication, bien en amont de sa sortie. Pour « l’éthologie (presque) facile », après avoir élaboré un plan détaillé de ce qu’il y aurait dans le livre, chapitre par chapitre, et dressé une liste des 50 illustrations intérieures nécessaires, on a donc très vite planché sur la couverture avec l’éditrice, Stéphanie Zweifel et l’illustratrice Marine Joumard. Toutes les illustrations de ce post sont d’elles et bien entendu, je ne vous les montre qu’avec son autorisation !

Même si d’un point de vue historique, Konrad Lorenz était sans doute la figure la plus connue (du moins pour les gens de la génération de mes parents, puisqu’il est décédé en 1989), je ne souhaitais pas le mettre en couverture. Si vous lisez le livre, vous apprendrez que, bien que brillant et hautement charismatique, Lorenz a aussi adopté des positionnements politiques répréhensibles lorsque le parti nazi est arrivé au pouvoir. Même s’il fera (mollement) amende honorable, c’était globalement quelqu’un qui n’admettait pas souvent avoir tort ! Ma préférence personnelle allait donc plutôt vers  le chercheur néerlandais Niko Tinbergen, le « Maestro », comme le surnommaient ses étudiants, plus modeste et discret, mais qui a, tout autant révolutionné la discipline, et se remettait bien plus en question que son collègue autrichien. À mon grand désespoir, ses livres ne sont plus édités en français, et il est donc bien moins connu du grand public. Et comme c’était aussi important pour moi de mettre en avant une chercheuse, j’avais pensé à la plus médiatique des primatologues du XXème siècle,  la britannique Jane Goodall, à qui l’on doit la découverte de l’utilisation d’outils chez les chimpanzés.

La première mouture proposait donc de mettre en lumière ces deux personnalités.

Avoir deux personnalités sur la même couverture, avec leurs sujets d’étude en action (goéland argenté pour Niko et chimpanzés pour Jane), cela prend de la place. Stéphanie souligne, à juste titre que cela manque de lisibilité, et qu’il faut donc se focaliser sur un seul sujet pour concentrer l’attention visuelle des lecteurs et lectrices. Niko est donc abandonné au profit de Jane, bien plus populaire et facilement identifiable. Promis, je me rattraperai à l’intérieur de l’ouvrage !

Dans une nouvelle version, Jane est donc orientée davantage face au public, avec son carnet sous le bras et son appareil photo, pendant qu’un chimpanzé utilise un caillou pour briser une noix. Par manque de place, le comportement est donc modifié. Il faut aller à l’essentiel ! Dans la réalité, ce que Jane Goodall a observé, c’était un comportement de « pêche aux termites » : un vieux mâle nommé David Greybeard s’était emparé d’un brin d’herbe qu’il insérait dans une termitière. Les insectes plantaient leurs mandibules dans l’objet étranger, et il n’avait plus qu’à l’extraire pour faire sa récolte et se régaler.

C’était ce comportement que Marine avait représenté sur la 1ère version de la couverture, mais le mouvement du bras et la termitière prenaient trop de place pour ce plan serré. Comme les chimp’, sont aussi connus pour utiliser marteaux et enclumes pour ouvrir des noix, et que l’on reste donc dans le vrai, je valide la composition et les éléments de l’illu.

Mais, je pinaille encore un poil. Si Jane Goodall a commencé ses observations alors qu’elle n’avait que 26 ans, je suis sensible au fait que l’on ne représente pas les femmes âgées dans l’espace public. Il suffit de voir les unes des magazines au moment du décès de Françoise Hardy ou de Jane Birkin, pour constater que les photos d’elles les plus mises en avant ont majoritairement été prises bien avant leur 50 ans (voire même leur 30 ans). Et comme Jane a aujourd’hui plus de 90 ans, et qu’elle a été sur le terrain, avec les chimp », jusque récemment, ça me semblait chouette de la représenter plus âgée. Cela reste vrai et juste, et permet de cocher un point qui me tient à cœur. Je demande donc ce correctif à Marine, avec l’accord de Stéphanie, qui s’exécute et nous livre la version finale de la couverture.

Et voilà le résultat final !

Jane a gagné quelques rides et des mèches blanches, mais notez tout ce que Marine a fait pour sublimer l’image. Les yeux du chimpanzé brillent, et il hérite d’un pelage épais. Jane est aussi représentée dans une posture plus dynamique. Exit l’appareil photo, elle note en direct ce qu’elle observe dans son carnet ouvert, sans quitter son sujet des yeux. Sa chemise orange ressort du fond de la couverture bleu-canard : c’est la magie des couleurs complémentaires ! Et voilà, vous avez le secret pour une couverture réussie dont on espère qu’elle attire l’oeil des curieuses et curieux, qui auront envie d’ouvrir le livre.

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